Le cheminement

 Il n’y a pas de définition philosophique du cheminement, au sens où la philosophie est cheminement.

Elle interroge , questionne, œuvre de nouveaux chemins, déconstruit, reconstruit.

 

La philosophie recherche moins un aboutissement qu’à ouvrir de nouveaux chemins.

 

Le cheminement est la démarche philosophique, c’est la maïeutique de Socrate.

 

Socrate interrogeait, questionnait, pointait les contradictions, les mauvaises associations d’idées  de son interlocuteur, pour l’ amener à ouvrir des chemins de pensée.

Il serait plus rigoureux de parler d’une pluralité de chemins de pensée.

 

Commençons par distinguer chemin et méthode.

 

Le chemin s’invente, innove, questionne, la philosophie, en ce sens, n’a pas de méthode, contrairement à la science.

En effet, la philosophie, contrairement à la science,  évolue , sans jamais donner de réponses objectives et universelles.

 

La dimension subjective est première en philosophie, au sens où il y a une disposition affective, qui ouvre le chemin.

 

Descartes, dans les Méditations Métaphysiques, ouvre un chemin rectiligne.

Il utilise le doute radical et méthodique pour démontrer l’existence de Dieu.

Or, le doute cartésien est précisément cette interrogation existentielle qui trahit une inquiétude.

L’ angoisse, le désespoir, le doute, sont à l’origine et moteur du questionnement philosophique.

Ce sont bien ces sentiments là, qui ouvrent des chemins.

Nietzsche dira que ce sont des pulsions, qui philosophent.

Ainsi le cheminement philosophique inclut plusieurs chemins:

 

Chemin vertical chez Platon.

Vertical, par l’ascension de la raison vers le monde intelligible afin d’accéder à la connaissance du Bien.

La philosophie expose ici le chemin de la réflexion, une réflexion tournée vers le chemin difficile d’accéder à la connaissance du Bien.

Un cheminement ardu qui exige un revirement de l’âme, qui s’arrache à la sphère du devenir, pour atteindre l’intelligible.

 

Le cheminement n’est pas nécessairement rectiligne, là encore on peut parler de plusieurs chemins.

 

Hegel dans la Phénoménologie de l’esprit

ouvrira un chemin circulaire.

 

Circulaire, car la conscience n’a pas un mouvement rectiligne, mais un mouvement qui revient sans cesse sur elle-même, pour prendre conscience de ce qu’ elle est en train d’expérimenter.

 

Le cheminement de la conscience, au fur et à mesure que cette dernière progresse, intériorise un certain nombre d’expériences qu’elle fait sur elle-même.

La conscience recueille ainsi, en elle-même le savoir.

 

En ce sens, la conscience doit revenir sur chaque objet pour se l’approprier et doit en même temps progresser d’objet en objet pour atteindre le Savoir Absolu.

 

Le premier cheminement circulaire de la conscience s’effectue quand elle s’approprie l’objet,

Le second, se fait quand elle progresse d’objet en objet, pour atteindre le Savoir Absolu.

 

Cependant, le travail de prise de conscience est sans fin, car  la conscience ne cesse de creuser son unité avec les objets qu’ elle expérimente.

 

Ainsi, le cheminement montre l’inachevé plutôt que la clôture, il est circulaire car il n’y a pas de sortie.

 

En effet, “l’esprit doit renoncer à la fin, depuis le commencement, aussi naïvement comme si tout ce qui précède était perdu pour lui et comme s’il n’avait rien appris de l’expérience.”

 

En d’autres termes, on ne peut pas s’appuyer sur la mémoire, sur une expérience passée, car le cheminement de la conscience se fait de manière vivante, sans quoi nous nous appuyons sur des savoirs abstraits, une accumulation de souvenirs et on perd cette “naïveté” propre au cheminement, cet élan spontané de la conscience, qui à tout moment expérimente.

Si on ne recommence pas le parcours, on ne peut pas arriver  à une relation vivante entre la conscience et ce qu’elle expérimente.

Ceci démontre qu’il y a, dans la notion de cheminement, une humilité, une fragilité et aussi un désespoir, puisqu’à chaque moment que la conscience intériorise un savoir, elle désespère d’être.

 

Heidegger reprendra cette idée avec le “chemin qui ne mène nulle part”.

Ce ou ces chemins qui “ne mènent nulle part” désignent en Allemand, les chemins forestiers, qui semblent être les derniers lieux où le questionnement de la technique peut être possible.

 

C’est au nom du chemin qu’il y a un retrait, que quelque chose s’écarte de la technique et qui est préservé

Le cheminement chez Heidegger, comme chez Nietzsche, montre la difficulté toujours actuelle, qui peut être énoncée comme un paradoxe:

 

D’un côté, il faut que la philosophie soit fidèle à l’absence de but qui caractérise la civilisation technique, mais d’un autre côté, il faut que le chemin philosophique s’écarte de l’absence de but de la technique afin de poursuivre son questionnement.