Le Corps

 

La philosophie se heurte au statut ambigu de la notion de corps:
Le corps ne peut être réduit à une pure matière, on ne peut pas penser le corps comme on pense une chose.
Mais le corps ne peut pas, non plus, être identifié à une conscience pensante.
La première difficulté est donc le statut du corps.
Sommes-nous alors autorisés à adopter la distinction platonicienne entre l’être et le paraître, en réduisant le corps au monde des apparences, alors que l’âme relèverait du monde de l’être ?
Pouvons-nous réellement lever cette ambiguïté par le dualisme cartésien ?
Cette tendance du corps /matière à été renversée par Spinoza et par Nietzsche, qui pose le corps comme une puissance supérieure à l’esprit, esprit qui ne serait que l’instrument du corps.

C’est bien par son corps, avec son corps que nous nous manifestons dans le monde.
Ce n’est que par le corps que la rencontre se fait.
Dans nos sociétés occidentales n’est ce pas, par le visage que nous nous reconnaissons ?
La communication des consciences ne passe-t-elle pas par l’affrontement du regard de l’autre ?

Si le corps est le lieu des pulsions, des désirs, de notre sensibilité, il est surtout signe de notre subjectivité.
C’est par le corps que nous exprimons nos émotions, nos sentiments, nos désirs et en ce sens il est le signe de notre humanité.
Ainsi, peut-on réellement mettre notre corps à distance, le considérer comme un fardeau dont il faut se débarrasser, pour libérer l’âme raisonnable, afin qu’elle accède à la connaissance, comme le défend Platon dans la” République” ?
Ce corps-fardeau, ce corps qui obscurcit son jugement, faut-il en avoir la plus grande maîtrise, le dominer?
Idée soutenue par Socrate s’opposant à Calliclès dans le “Gorgias”.

Ne faut-il pas être à l’écoute de soi-même, laisser son désir s’exprimer, comprendre que le corps exprime ce que nous sommes au sens où il a évolué dans la matière du réel, où il s’est construit par la relation à l’autre, par la rencontre ?

Nietzsche, par la déconstruction des valeurs judéo- chrétiennes, s’oppose à la pensée traditionnelle en annulant la hiérarchie âme-corps et pose le corps premier par rapport à l’âme.
L’âme n’est qu’une partie du corps, l’être n’est que corps !
En effet, en déconstruisant le concept de Dieu, Nietzsche évacue les notions d’essence et d’âme
Ainsi, le corps n’est fait que d’instincts et de volonté, la plupart du temps inconscients.
Or, c’est précisément les instincts qui dirigent ce que nous appelons la pensée, la raison.
Zarathustra, prophète des nouvelles valeurs affirme: “Corps suis tout entier et rien d’autre, et âme n’est qu’un mouvement pour désigner quelque chose dans le corps”

Aujourd’hui encore, malgré les apports fondamentaux de la psychanalyse, bien que le dualisme cartésien soit dépassé
L’ambiguïté du statut de la notion de corps subsiste.

Brigitte AIACHE